Regression salutaire
Un petit muret en pierres jointées, grisé par le temps ; De grands marroniers rangés comme des enfants sages ; Une belle bâtisse en pierre avec de grandes fenêtre ; Quelques marches et au dessus du Péron, quelques lettres gravées dans la pierre:
ECOLE DE FILLES
Ecole Primaire Publique d'un village du BERRY, où n'étaient scolarisées que des filles et où l'enseignement n'était assuré que par des " Madames ", voire des "Mademoiselles" ayant quelques années d'exercice derrière elle, l' uniforme n' était pas de rigueur mais la blouse obligatoire.
Dans le grand Hall, de part et d'autre de la large porte donnant sur la cours, des éviers en céramique blanche et, à chacun des robinets muraux d'eau froide, notre allié, le savon ovale et jaune qui se penchait vers nous, bienveillant et garant de la propreté vérifiée de nos mains.
Deux couloirs, baignés de lumière se répondaient en miroir
A droite, les deux classes de CM1 et CE2 ; A Gauche, celles de CP et CM2.
Et le CE1, me direz-vous ? ......... Pour s'y rendre, il fallait descendre calmement et sans courir un large escalier et traverser la cours goudronnée décorée de marelles éphémères, qui aux mois les plus chauds, se réfugiaient sous le feuillage protecteur des marroniers.
Hormis ce détail géographiqe, elle n'avait rien de différent des autres classes:
Le bureau de la maîtresse juché sur une estrade dominait l'ensemble des tables et des bancs rangés, au centimètre près, les uns derrière les autres. Le vernis recouvrant le bois blond, avait fini par s'user et laissait place, par endroit, à une belle patine réalisée par le frottement régulier des manches des générations d'élèves avant moi. Eux comme moi, n'avions conscience de notre modeste participation à marquer le temps de notre empreinte.
Derrière le bureau, le tableau noir, support du savoir à transmettre.
J 'entends encore le bruit qu'y faisait la règle de bois en scandant l'alphabet au CP. J'entends encore le frottement de la craie qui laissait apparaitre en écriture cursive l'énoncé du problème du CE2. J'entends encore le souffle de la brosse de laquelle tombait cette poussière fine et blanche, si caractéristique.
Parfois le grand tableau noir devenait triptyque angoissant quand, lors des auto-dictées, en CM2, la maîtresse refermait les deux battants. C'est alors que nous apparaissait La France ou Le Monde, imprimés sur de lourdes cartes de Géographie suspendues au mur. Comment s'appelait donc ce pays caché derrière la grande équerre jaune qui servait à tracer sur le tableau d'immenses perpendiculaires ? Cette question était rapidement chassée par le regard réprobateur de Madame LARDEAU qui allait d'un instant à l'autre faire apparaître la correction.
Les journée s'écoulaient dans des classes calmes au rythme du calcul et des exercices de grammaire ou de conjugaison. Ce n'était pas le temps des "SVT", non, c'était le temps des "Leçons de choses".... ni le temps des "Evaluations" mais celui des "Compositions écrites". C'était aussi le temps des Bons-Points que la maîtresse nous échangeait contre une image lorsque nous en avions reçu 10...... C'était le temps où l'on récitait Colette ou Victor Hugo. C'était le temps où on écrivait au stylo Bic jusqu'en CM2, classe où, solennellement, notre maîtresse et directrice de l'école, nous faisait choisir la couleur de notre stylo-plume Waterman : jaune ou gris. Déjà, à cette époque, je devais exécrer la première et chérir la seconde puisque mon choix s'était porté sur la couleur qui est encore, à ce jour, ma préférée. Ce n' était pas le temps de l'EPS ....... C'était le temps de la gymnastique.....
Ahhhh..... La gymnastique ..... Et quelle gymnastique !!!!!
Derrière le préau, sur un espace herbeux, vêtues d'un tee-shirt Blanc, d'un short bleu marine, de chaussettes et de tennis de toile blanche, nous nous déplacions en ronde ou serpentins, effectuions divers bonds, entrechats et pas chassés au rythme du tambourin tenu par notre maîtresse, qui, pour l'occasion, avait quitté sa blouse immaculée.... de maîtresse. Les séances étaient rares et nous les vivions comme une suprême récompense.
De ces années, j'ai appris la rigueur et l'amour du travail bien fait et pour cela, je remercie de tout coeur celles qui auront marqué mes jeunes années
Melle Jouhannet (CP), Mme ? (CE1), Melle PROT ( CE2), Mme DEMIGNE (CM1), Mme LARDEAU (CM2)
Tous les jours, je me rendais avec bonheur dans ce lieu magique qu'était mon école où ma soif d'apprendre était comblée.
Tous les jours sauf ce jour de 1974 où je vécus mon seul, mon unique grand traumatisme scolaire
Un 0
pour une broderie non rendue à temps.
Un 0
pour un marquoir inachevée.
Un 0
pour une activité qui me paraissait tellement éloignée de ce qu'on devait apprendre à l'école ....
Une honte cuisante devant toutes mes camarades de classe !!!!!
37 ans après, je m'en souviens encore comme si c'était hier .....
Et 37 ans après, je me souviens de ma maîtresse de CM1, que j'avais trouvé si injuste à l'époque alors que je l'aimais beaucoup.
Alors, 37 ans après, j'ai sorti mon Lin Blanc et ma Lugana blanche.
Et puis, 37 ans après, j'ai sorti mon échevette de DMC 498.
Et puis, 37 ans après, j'ai ouvert "Les Marquoirs d'Ecole " de Muriel Brunet et Françoise Rtiz
Et enfin, 37 ans après, je me suis mise à Pointecroiter à tour d'aiguille
Pointecroiter toujours et encore, croix après croix, marquoirs après marquoirs ....
Emma, Lucie, Juliette, Célestine, Marguerite,Elisabeth,
Petits Marquoirs au nom de mes illustres aïeulles
Et puis le mien ..... celui de mes 9 ans
Juste pour que la Boucle soit bouclée.
Ahhhh, elle aurait été fière de moi
Madame DEMIGNE, ma maîtresse de CM1
♥ ♥ ♥
N.B. A toutes les mamans qui me lisent : " Gardez bien précieusement les cahiers de vos chers petits ..... un jour, quand vous leur remettrez, cela fera ... peut-être .... je dis bien .... peut-être, ressurgir de merveilleux souvenirs
Merci Maman d'avoir gardé les miens !
♥ ♥ ♥